Journal du GR10 #2 : les Pyrénées Centrales
La route continue dans les Pyrénées Centrales. Nous essayons de garder en tête, comme un mantra : juste prendre le temps d’être là.
La fatigue est très présente, à telle point que nous sommes conscients de ne pas profiter à fond de l’aventure. C’est le signe qu’il faut ralentir, nous attendons un coin propice pour faire une pause.
Le GR10 des Pyrénées Centrales offre un choix aux randonneurs : s’élancer pour la boucle qui comprend le cirque de Gavarnie ou couper par le col de Riou et rejoindre Luz-Saint-Sauveur. On hésite encore. L’année précédente, nous avons déjà fait une partie de cette boucle. On verra demain comment on se sent…
Notre organisation assez souple nous laisse libre d’écouter notre corps, de ralentir quand cela est nécessaire ou au contraire d’accélérer face aux caprices de la météo. L’autonomie à un prix mais moduler son itinéraire au grès de ces besoins ou envies est un luxe que les voyageurs en refuge ne peuvent pas s’accorder.
Le début de la journée se fait dans la brume, un petit passage en forêt finit de tremper nos chaussettes et chaussures… ça commence mal ! La montée du col d’Ilhéou est physique, on finit par passer au dessus de la brume, et le soleil est bien là. C’est l’occasion de faire une pause salvatrice et de sécher un peu puis de finir le bout de chemin jusqu’au lac d’Ilhéou. Le coin est sympa, le lac magnifique et nous sommes encore suffisamment en altitude pour être au dessus de la brume. Notre envie de soleil nous motive à rester là, on descendra se tremper dans le purée de pois demain.
Après réflexion, on décide de ne pas faire la boucle de Gavarnie, notre niveau de fatigue étant trop haut et celui des réserves trop bas. On coupera donc par le col de Riou ! En fin de journée, nous allons poser notre tente à l’air de bivouac au bout du lac. Michael nous rejoint quelques heures plus tard et c’est au milieu des brebis que se termine la soirée.
La pause a fait du bien. On refait le plein a Cauteret, en essayant de ne pas acheter tout le magasin. Bien estimer le volume de nourriture nécessaire jusqu’à la prochaine étape est toujours difficile, même après 15 jours de marche. Après des périodes de disette, on s’emballe un peu de peur de manquer, on porte beaucoup, peut-être trop. Pour l’heure on s’accorde un gros goûter et on attaque la montée du col de Riou.
La route pour rejoindre Grust n’est pas très belle. Le balisage du GR10 dans le domaine skiable est moyennement visible. On finit par rejoindre le village où nous trouvons asile pour la nuit dans l’église.
La brume est à nouveau très dense, on ne voit littéralement pas à un mètre. On choisit par sécurité de descendre à Luz par la route. Nous montrons à nouveau des signes de fatigues. Les nuits pas toujours réparatrices et l’activité physique intense ne font pas bon ménage.
Passé Barège, on déjeune au pied du mythique col du Tourmalet en se disant qu’on devrait revenir en vélo une prochaine fois. Cycliste un jour cycliste toujours !
L’après-midi se fait sous le soleil, direction le col de Madamète. On s’arrête à la cabane de la Pègue. La fatigue est difficile à gérer, et si l’esprit était occupé par les petites douleurs jusqu’alors, il faut maintenant que le corps apprenne à tenir la distance. Nos conditions de voyage assez précaires parfois nous mettent à rude épreuve. Le temps tourne à l’orage ce qui nous donne, au milieu de la nuit, l’occasion de découvrir que le toit de la cabane n’est pas étanche… Encore une nuit pas terrible.
Sous une pluie violente, sans abri connu sur des kilomètres, on se dépêche d’atteindre le lac d’Oule où une cabane est indiquée. A notre arrivée, c’est la déception : elle est en travaux. Les ouvriers en train de la restaurer nous expliquent qu’elle ne sera plus accessible aux randonneurs. Trop de déchets abandonnés, trop de dégradation… Toujours trempés, sous la pluie qui a repris de plus belle, nous continuons. Après plus d’une heure de marche, une légère accalmie nous décide à monter la tente, et là, c’est le drame. Le sac de Vincent a prit l’eau, quasiment tout est trempé, duvets inclus…
La couverture de survie nous sauve bien la mise car la nuit est glaciale, la plus froide depuis le début du voyage. Il y a des jours comme ça où on se dit que ça sera sûrement mieux demain. Le matin, on enfile nos vêtement trempés, le moral de Laura à ras des pâquerettes. On reprend la route histoire de pas mourir gelé et on mesure à quel point notre sort dépend du bon vouloir de mère nature.
Le parcours est facile et la descente agréable, le soleil revient, ça fait du bien malgré la fatigue de ces derniers jours. On passe au supermarché de Vieille-Aure et après un copieux déjeuner, on décide de ne pas pousser plus loin. Un rapide coup d’oeil sur la météo nous apprend que des orages violents accompagnés de grêle sont prévus pour la fin d’après-midi.
Rencontre fortuite et aide improbable
Pour éviter de bivouaquer et d’abîmer la tente, on finit par aller voir à la mairie. Faute de trouver un abris où poser notre tente, c’est finalement une dame qui nous invite à passer la soirée chez elle et sa fille Lana. Vincent a même le droit à son gâteau préféré, et c’est le ventre plein après une bonne douche que nous nous couchons dans un bon lit moelleux. Le matin la pluie est toujours là. C’est une bonne excuse pour profiter encore un peu de nos hôtes.
Une accalmie nous décide et nous repartons dans la montagne. Petit passage à Loudenvielle le temps d’un goûter et nous continuons malgré la pluie qui menace, objectif cabane de l’Ourtiga. Arrivés juste à temps, c’est au sec devant un bon feu de cheminée que nous regardons la pluie tomber pour cette fois. On savoure tranquillement le gâteau offert par nos hôtes de la veille. Décidément les jours se suivent et ne se ressemblent pas. On s’accorde l’après-midi pour reconstituer le stock de bois de la cabane et pour explorer les environs. On se couche tôt, il fait bon dans la cabane et la pluie a repris de plus belle dehors. Demain, nous partons pour Luchon qui symbolise la moitié du voyage. Déjà ? Enfin? On ne sait pas bien.
Fin de la deuxième étape du GR10 et des Pyrénées Centrales
Départ sous le crachin, et nous sommes rapidement trempés, encore. On entame la monté vers le lac d’Ôo sous la pluie, il porte bien son nom celui là. Ce matin, il fait froid, et être mouillé ne nous aide pas à se réchauffer… Passé le lac, nous avons la cascade en point de mir, il faut continuer à monter ! La pluie s’intensifie, le froid aussi. Nous arrivons vers le col, un orage de grêle éclate et nous empêche de nous arrêter. Le sol est tout blanc et nous, gelés. Nous sommes mouillés jusqu’à l’os, le froid est mordant et on reste en mouvement pour ne pas tomber malade.
C’est vraiment juillet ? On a l’impression d’être en plein hiver ! On ne voit pas à un mètre tellement la grêle tombe dense, on se dépêche d’atteindre Super Bannière. Mais la station est déserte, tout est fermé, il faut continuer jusqu’à Bagnère de Luchon. Et c’est vers 20h que nous atteignons enfin la ville, abrutis par la fatigue après plus de 30km de marche et 2200 mètres de dénivelé positif… et sans avoir pu s’arrêter manger un morceau ! Une étape du GR10 dont on se souviendra longtemps sans pour autant se rappeler de grand chose. On décide de s’octroyer deux jours de repos bien mérités et peut-être en finir avec cette fatigue en même temps que les Pyrénées Centrales…
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